
Gilles Vervisch est parti...stop
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Howard Carter,...stop
sur les rives du Nil....stop
Retour le 4 janvier 2010...

Au gré de la visite, trois personnalités du monde politique, associatif, économique, culturel ou médiatique se découvrent et commentent librement l’actualité.Pour échanger sur ces sujets, comme d’habitude, trois invités :
Philosophie. Ce petit traité, rédigé par Gilles Vervisch, prof agrégé, se propose de donner des clés afin de philosopher quotidiennement. Instructif et plein d'humour.Ceux qui croient trouver des réponses toutes faites en seront pour leurs frais. Comment ai-je pu... est un livre de philosophie. Une matière qui, comme chacun sait, incite à penser par soi-même. Gilles Vervisch préfère donc donner des pistes de réflexion, afin de tenter d'éclairer d'un jour nouveau nos décisions, nos choix, nos renoncements...
Ainsi, le chapitre Comment ai-je pu rester aussi longtemps avec un mec aussi con ? trouve des réponses du côté de la préservation de l'espèce humaine, du fantasme, et même du mythe de la caverne de Platon... Comment échapper à l'ennui du dimanche après-midi va voir du côté de Sisyphe, de l'absurdité de la vie, de notre condition de mortel et pour tout dire, du sens de l'existence.
Il ne faut pas s'y tromper : ceci est de la philosophie. Certains passages nécessitent une lecture attentive, voire plusieurs lectures. Mais Gilles Vervisch a le chic pour vulgariser et faire comprendre. Surtout, la nature l'a doté d'un sens de l'humour corrosif, qu'il sait parfaitement mettre au service de sa discipline.
Bien sûr, on peut toujours remarquer que le débat sur l'identité nationale est une idée lancée en forme de leurre pour occuper les éditorialistes et autres journaleux qui, d'ailleurs, n'ont pas manqué de mordre à l'hameçon. Du coup, on pourrait estimer qu'il n'y a pas lieu de débattre."1. Groupe d'hommes auxquels on suppose une origine commune."Reste à savoir qui est ce "on". S'agit-il de l'ethnologue, de l'historien ou de l'anthropologue? Dans ce cas, il faudrait savoir de quelle origine on parle, aussi bien dans sa nature (ethnique, politique, religieuse, géographique, etc.), que dans le temps: on remonte jusqu'à quand? Quelle époque considère-t-on comme étant "l'origine" d'une nation? Pour la France, par exemple; on pourrait considérer que la naissance de la Nation remonte à la Révolution de 1789. Pourtant, les individus qui ont déclaré l'institution de la Nation Française se reconnaissaient déjà, alors, une origine commune. Faut-il remonter au moyen-âge? A l'antiquité, plutôt, comme lorsqu'on parle de "nos ancêtres les gaulois"? Mais ne s'agit-il pas plutôt des francs et de Clovis, leur premier roi? Il faut plutôt admettre que l'origine est bien difficile à définir, et ceux qui pensent pouvoir identifier des "français de souche", aurait bien du mal à nous dire à quelle époque leur arbre a été planté et surtout, de quelle espèce il s'agit! En fait, chaque "nation" est constituée et continuellement transformée par des flux de migrations. Personnellement, j'ai un grand-père qui est né en Belgique, à Anvers. Je suis donc loin d'être un français de souche, quelle que soit l'origine qu'on voudrait définir arbitrairement.
Qu'est-ce que la Nation? C'est une idée. Elle n'est en rien définie par un territoire géographique, par exemple. Non, la nation, c'est l'idée d'avoir des choses en commun avec d'autres individus. C'est l'idée d'appartenir à un groupe, d'être le membre d'un corps qui forme un tout. La Nation n'est rien d'autre que la mesure dans laquelle un ensemble d'individus se reconnaît des points communs par lesquels ils forment, tous ensemble, une unité. Le "on" de la Nation ne semble donc pouvoir être le regard extérieur d'un scientifique, ethnologue ou autre. C'est le sentiment, l'idée, le vécu, la conscience de ceux-là mêmes qui sont censés former la Nation.
Voilà! La Nation, c'est une communauté politique, autant dire une communauté soumise à un ensemble de lois qui sont les mêmes pour tous, et c'est sans doute le critère le plus indiscutable qu'on puisse trouver. Ainsi, l'identité nationale, c'est-à-dire la reconnaissance qu'on les individus de faire partie d'une même Nation peut se définir par la reconnaissance d'une même autorité politique (en France, les différents pouvoirs élus par les électeurs), et l'obéissance aux mêmes lois (en France, celles qui sont votées par les représentants du peuple). C'est sur ce seul critère que l'on peut défendre l'idée d'une identité nationale, et je n'en vois pas d'autres. Ainsi, dès lors qu'un individu reconnaît la République Française et ses lois comme les autorités suprêmes auxquelles il doit obéir, et dès lors qu'il y obéit effectivement de manière inconditionnelle, je ne vois pas bien au nom de quoi on lui refuserait le droit de faire partie de la Nation et d'être une partie constitutive de l'identité nationale.
Une épingle à cheveux sert à épingler des cheveux. Une épingle à chapeau sert à épingler un chapeau. Par suite, une épingle à nourrice ne saurait servir à autre chose qu'à épingler des nourrices. Utiliser le terme épingle à nourrice pour désigner l'épingle de sûreté, utilisée notamment par les nourrices (et donc appelée épingle de nourrice, sacré bordel de vierge enceinte, c'est pourtant simple) pour fixer les langes des mouflets dont elles ont la charge est odieux, aussi odieux que de parler du cul à ta mère plutôt que du cul de ta mère... bon... l'exemple est moyen... faut trouver autre chose...
Comment est né ce livre?
Gilles Vervisch : «Je voulais écrire un livre non pas de vulgarisation mais bien de démocratisation philosophique parce que je crois que les gens sont aujourd'hui en quête de réflexion et de sens. La philo souffre de deux préjugés largement répandus. Pour le grand public, les questions philosophiques ont peu de rapport avec la réalité.
En gros: «La philo, c'est des gros pavés remplis de mots incompréhensibles». Et à l'inverse, il y a du côté des élites une certaine tendance à entretenir cette obscurité. «Moins les gens comprennent plus on est savant», se rassurent-ils.»
La philosophie, c'est amusant?
«Disons que l'humour me sert à faire passer bien des choses. Y compris en classe de philo. Je cherche à réconcilier le public avec une discipline qui peut sembler très spécialisée et qui est finalement universelle. Philosopher c'est, par principe, réfléchir par soi-même… pour ne plus croire au Père Noël, par exemple.»

- Qui a inventé les bonbons Ricola?
- La Suisse...
- Qui a inventé la neutralité?
- La Suisse...

Assir s'inscrit dignement dans la lignée des verbes alternatifs, comme croiver ou soyer, qui n'apportent aucune nuance de sens mais permettent de s'affranchir sans vergogne des pièges de la conjugaison. Mais il s'agit d'un cas assez particulier dans cette catégorie. En effet, assir ne s'utilise qu'à la deuxième personne du singulier de l'impératif. Pour les autres positions conjugatoires dans lesquelles il est difficile de s'asseoir, on préférera le synonyme assoiver. Et c'est bien compréhensible, car quitte à inventer un verbe pour se simplifier l'élocution, pourquoi s'escagasser à en prendre un du deuxième groupe plutôt que du premier ? Cependant, la raison pour laquelle les parle-petit choisissent assir plutôt qu'assoiver demeurent obscures... On pourrait imaginer que c'est par souci esthétique. En effet, un "Assis-toi" sonne tout de même plus joliment qu'un "Assoive-toi" (uniquement par comparaison, on est bien d'accord, hein...). Mais peut-on vraiment raisonnablement imaginer que les ceux-qui-croivent-qu'ils-soyent iraient s'embarrasser de soucis esthétiques lorsqu'ils logorrhent ? Foutre non ! Le mystère demeure donc intact.
Bien sûr, on peut toujours aboyer avec les chiens: dire que Thierry Henry est un tricheur, avouer que la France ne mérite pas sa qualification. Mais on peut aussi parler de l'arbitre. Non pas pour dire que c'est lui qui a fait une erreur, mais plutôt, pour expliquer l'issue paradoxale de ce match triché: l'arbitre a toujours raison, non pas parce qu'il a raison, mais parce qu'il est l'arbitre. Par suite, il est absurde de parler des erreurs de l'arbitre ou de la tricherie de Thierry Henry.
Alors, à mort l'arbitre? S'il n'y a pas de triche du joueur, il y a une erreur d'arbitrage? Non plus. Et ce, pour la même raison que la précédente: la décision appartient au seul arbitre. Bien entendu, on suppose que l'arbitre tranche et décide conformément à des règles qu'il doit appliquer: le juge du tribunal appuie ses décisions sur la loi juridique; l'arbitre de foot, sur les règles du jeu. Néanmoins, il faut admettre et accepter que sa décision est souveraine. C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'on n'a pas le droit de commenter une décision de justice. L'arbitre, c'est celui qui tranche, en dernier ressort.
Aphoner pourrait signifier : "couper le son de sa radio pour couper court aux cris stridents de Céline Dion". Ce serait élégant. Mais en fait non, c'est juste un truc d'étudiants alcooliques. On n'aphone pas une chanteuse, si exaspérante soit-elle (et là, il est légitime de se demander si Céline Dion eut été si omniprésente, et donc si exaspérante, si l'iceberg n'avait pas aphoné le Titanic...), on aphone un verre.
La faucuterie est le caractère de celui qui te fait croire qu'il est d'accord avec ce que tu dis, alors qu'en fait au mieux il s'en contrefout et au plus vraisemblable il pense exactement le contraire. Le fondement de son assentiment est factice. Il repose donc sur un faux-cul (plus classieusement appelé tournure).
v. tr - angl. Google 1998.
barre de navigation du moteur de recherche Google, pour voir quel est le nombre de pages relatives à soi-même. L'apparition combinée d'Internet et de la télé-réalité a conduit peu à peu les individus à faire reposer le sentiment de leur propre existence sur la connaissance, par les autres et le plus grand nombre, de tout ce qu'ils sont et de tout ce qu'ils font. Par suite, "se gougueuliser" devient une démarche assez commune, qui débouche bien souvent sur les listes de ses amis facebook. En même temps, il est inutile de se plaindre au sujet de l'espionnage informatique, quand on donne le fer pour se faire battre.
Bien que la mort de Lévi-Strauss ait fait moins de bruit que celle de Mickael Jackson, on admettra qu'elle a quand même suscité bien plus de commentaires que celle de Filip Nikolic, chanteur des 2be3 (en même temps…). Mieux encore, elle a donné lieu à plus d’émissions spéciales que la mort de Thierry Gilardi, à laquelle, tout compte fait, seul le Grand Journal de Canal+ a cru bon de consacrer une émission entière, en repassant « les meilleurs commentaires de matchs de Thierry ». Quoiqu’il en soit, les différents hommages médiatiques auront au moins permis d’apprendre que Lévi-Strauss n’est pas seulement une marque de jeans, contrairement à ce que pensaient la plupart des gens avant la mort de l’ethnologue.
§1. Sommes-nous libres ? On aura sans doute entendu dire que Lévi-Strauss était au cœur des grands débats intellectuels du xxème siècle, comme il n’en existe plus aujourd’hui. Jean-Paul Sartre, en particulier, s’opposait au courant « structuraliste » auquel appartenait Lévi-Strauss. Pourquoi ? Parce que Sartre soutient l’idée selon laquelle chaque homme est libre et responsable de ses actes. Une affirmation qui permet de mettre en défaut tous ceux qui cherchent à excuser leurs crimes en prétendant avoir obéi aux ordres ou aux lois, comme les nazis ou les collaborateurs de la France de Vichy. D’ailleurs, chacun d’entre nous a bien le sentiment d’être libre: le cours de ma vie est le résultat des choix tout à fait personnels que je fais et qui ne regardent que moi : on choisit telle filière au lycée, on s’oriente vers tel métier ; on tombe amoureux de telle fille « parce que c’était elle, parce que c’était moi ». Et si l’on peut se plaindre d’avoir à obéir à la morale ou aux lois, on croit savoir pourquoi : c’est mal de tuer, les hommes doivent être libres et égaux, etc.
§2. Mais si l’on gratte un peu, on se rend compte que la plupart de nos opinions nous viennent d’on-ne-sait-où; on ne sait pas trop pourquoi on pense ce qu’on pense. On nous a toujours appris qu’il fallait faire ceci et ne pas faire cela, mais au fond, on ne sait pas bien pourquoi ça c’est bien et ça c’est mal. Alors, on obéit, simplement parce que c’est la règle. Ainsi, on semble moins libre qu’on ne le croyait d’abord, en découvrant que nous nous contentons de nous conformer à des conventions sociales sur lesquelles on ne s’est jamais vraiment interrogé (1). Et le sociologue finit par nous apprendre que les grandes décisions de notre vie qui nous paraissaient si intimes et si personnelles, correspondent à une norme statistique. Il y a des saisons pendant lesquelles « on » fait des enfants, d’autres pendant lesquelles « on » se marie ; et les fils d’ouvriers s’orientent vers certains métiers différents ces enfants de classe moyenne. Même le suicide qui pourrait apparaître comme l’acte le plus inexplicable, semble pouvoir s’expliquer par des causes sociales (2).

§3. Ainsi, les sciences humaines du xxème siècle tendent à montrer qu’on est le produit d’une société . C’est d’abord ce que signifie la « structure » du structuralisme : nous ne sommes pas des individus, des "atomes" indépendants les uns des autres, dont le comportement de chacun pourrait s’expliquer par lui-même. Nous sommes chacun les éléments d’un système social, d’une structure qui définissent nos pensées et nos actes. En fait, nous nous croyons libres un peu comme si chaque rouage d’une horloge croyait se mouvoir et tourner par lui-même parce qu’il le veut (3), alors qu’il est mis en mouvement par un autre rouage, lui-même mis en mouvement par un autre, etc. Et les mouvements de tous ces rouages s’expliquent à partir de l’ensemble auquel ils appartiennent, à savoir l’horloge. Du coup, si l’on veut comprendre pourquoi tel rouage de l’horloge est placé ici plutôt que là, et tourne dans un sens plutôt que dans un autre, il faut partir de l’ensemble du système ; autrement dit, savoir comment et pourquoi une horloge fonctionne. Il serait bien idiot celui qui se demanderait simplement : « qu’est-ce qui lui prend à c't engrenage ? Pourquoi a-t-il décidé de tourner ? »
§5. Quant au « structuralisme », c’est la méthode utilisée et revendiquée par Lévi-Strauss pour étudier ces sociétés afin d’éviter les erreurs ou les échecs de ses prédécesseurs comme Boas ou Malinowski. Pour faire court, deux obstacles se présentent à l’ethnologue : d’abord, le risque d’expliquer l’esprit et les coutumes d’une société différente de la sienne, à partir de la culture de sa propre société. En bref, l'ehnologue a tendance à transposer les valeurs de sa propre culture pour en comprendre une autre, si bien qu’il n’y comprend rien et fausse tout (Malinowski). Ensuite, quand bien même on voudrait éviter ces préjugés, il paraît impossible de comprendre une société qui n’est pas la sienne, dans la mesure où cela demande de connaître tous les éléments qui la composent (religion, mœurs, lois, etc.), d’en dégager le pourquoi, la raison d’être, ce qui suppose de retracer l’histoire de cette société. Tache infinie et d’autant plus dure quand il s’agit d’une société sans écrit (Boas). Quelle est donc la solution du « géant » Lévi-Strauss ?
§6. Pour le comprendre, il faut remonter aux influences que l’ethnologue avoue lui-même avoir subies,
à commencer par celle de la psychanalyse de Freud. En effet, elle nous montre que certains de nos actes ou de nos pensées s’expliquent par notre Inconscient, que chacun peut apercevoir dans ses rêves. Parfois, nos rêves nous paraissent dénués de sens : « pourquoi ai-je donc rêvé que je faisais l’amour avec Nicolas Sarkozy ? » N’importe quoi ! Ou encore, pourquoi ai-je oublié mes clés chez cette jeune femme ? Freud nous dit que tout cela n’est pas dénué de sens, mais manifeste des pensées ou des désirs inconscients, c’est-à-dire qu’on ignore soi-même. Ainsi, Lévi-Strauss définit l’ethnologie de la même manière : elle a pour but de retrouver les raisons inconscientes qui expliquent les différents éléments d'une culture. Mais ces raisons ne sont pas à trouver dans l’Inconscient de chaque individu !
§7. Pour Lévi-Strauss, les raisons inconscientes qui expliquent les croyances et pratiques des différentes sociétés se présentent sous la forme de structures, que l'ethnologue se propose de découvrir et de révéler. Cette idée lui a été inspirée par la linguistique contemporaine, qui est parvenue à montrer que derrière la diversité des langues, il y avait en fait des structures ou logiques du langage qui sont à peu près les mêmes. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas une infinité de manières de produire des sons et de les articuler entre eux. C’est ainsi que les problèmes de l’ethnologie semblent réglés : plutôt que de chercher à décrire et à connaître toutes les cultures humaines pour faire une impossible revue de ce que peut être une société humaine, on cherchera les structures communes inconscientes qui se retrouvent dans toutes les cultures, qu’on les disent primitives ou développées.
Conclusion ? On peut rejeter le structuralisme parce qu’il remet en cause l’idée selon laquelle l’homme est libre. Pour une science humaine, chaque individu semble être le jouet, l’élément de structures sociales qui lui échappent, tout comme le français qui parle utilise des mots qu’il n’a pas choisis. Mais, comme on l’a entendu dire à la télé, l’œuvre de Lévi-Strauss permet de remettre en cause aussi et surtout, toute pensée raciste, xénophobe et toute idée que les cultures différentes de la mienne sont inhumaines, sous-développées, etc. Si les structures sont toujours les mêmes, c’est bien qu’une seule humanité s’organise partout et toujours à travers toutes les sociétés quelle qu’elle soit. L’autre, quelles que soient ses différences, est toujours mon semblable. Cette idée, on la trouvera particulièrement bien exprimée dans le texte sans doute le plus court, le plus important et en même temps, le plus facile à lire de Lévi-Strauss : Race et Histoire. Commencez donc par lire ça, avant de vous lancer dans Tristes Tropiques ou les deux volumes de l’anthropologie structurale.
(1) On en parle un peu plus dans le Comment ai-je pu croire au Père Noël?, ch 4.
(2) Voir l'étude d'Emile Durkheim, un des pères de la sociologie, auquel Lévi-Strauss se réfère volontier, dans Le suicide, "Quadrige", PUF, 1995.
(3) Cette idée d'une illusion de la liberté est une thèse bien montrée et connue chez Spinoza, sauf qu'il parle d'une pierre, plutôt que des rouages d'une horloge. Voir notamment "Lettre LVIII" (à Schuller), in Spinoza, Oeuvres 4, GF-Flammarion, 1966.
Lorsqu'un évènement s'est produit il y a cent ans, on fête son centenaire. Lorsqu'un évènement s'est produit dix fois plus récemment, on fête ses dix ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a deux ans, on fête... ses deux ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a 365 jours, on fête son premier anniversaire. Ou ses hunhans. Hier par exemple, les journalistes n'ont pas manqué de célébrer les hunhans de l'élection de Barack Obama. Ils auraient pu parler du premier anniversaire de l'évènement, mais non, ils ont bien parlé de ses hunhans. Ses un an, ça ne fonctionne pas, parce qu'après ses il faudrait que an soit au pluriel, ses un ans non plus, parce que s'il n'y en a qu'un, il n'y a aucune raison de mettre an au pluriel, son un an ça ferait bizarre, donc il s'agit bien des hunhans qu'il convient de fêter.
Disponible dans toutes les librairies
V. intr. - 2 nov. 2009; contraction mal expliquée du sanskr. nirvana "extinction", et du lat. vadere "aller".
Ainsi qu'omnibuller, aéropage appartient à une catégorie bien particulière du dictionnaire des mots qu'existent pas (et qu'on utilise quand même) : celle des mots qui font immanquablement partie de l'arsenal lexical des besogneux qui cherchent à parler plus haut que leur Robert. Parce qu'il ont ouï l'une ou l'autre fois quelque mot de plus de trois syllabes, dont ils ont vaguement entendu le sens grâce au contexte, il ne peuvent s'empêcher de tenter de le recaser au détour de toutes les conversations dans lesquelles ils espèrent briller. Par exemple quand ils sont interrogés par Jean-Luc Delarue sur le plateau d'une émission de télévision.
C'est vrai, quoi, c'est pénible. Sous couvert de licence poétique, combien d'écrivaillons, combien de besogneux pollueurs de papier nous agacent l'entendement par leurs élucubrations incongrues et scientifiquement inacceptables. La terre est bleue comme une orange. Drogué, va ! C'est proprement insupportable. Et le plus difficile à avaler, c'est quand même les plus grands se laissent aller à de telles affligeantes facilités. Même Boris Vian, je viens de le découvrir. Boris Vian ! Le coup dur, quoi...
Nana Mouskouri, lorsqu'elle reprend la chanson un peu plus tard, commet la même absurdité. A la limite, on lui pardonne, elle est grecque, elle parle pas vraiment la langue, et peut-être qu'en Grèce les gens se suivent à reculons. C'est possible. J'y crois moyen, mais c'est possible. Mais quand, plus récemment, Emilie Loizeau ne change pas un mot de ce texte imbécile, c'est inacceptable. Se permettre de propager de telles horreurs au vingt-et-unième siècle est à la limite du criminel. D'autant plus qu'entre temps, et il faut lui en rendre grâce, Hugues Aufray avait eu le bon goût de rétablir la vraisemblance en transformant le vers débile en Alors je lui ai dit voulez-vous m'épouser. Ce qui est assez parisien.
Troze adv., excès de cuir
Comme taitre ou vins, troze appartient à la famille des mots qu'existent pas (et qu'on utilise quand même) pataquèsifs. Troze s'utilise quand il est question de quelque chose que ce serait mieux si c'était moins et qui commence par une voyelle. Par exemple, quand on est en présence d'une injustice flagrante et démesurée, on doit dire que c'est vraiment troze injuste. En effet, l'expérience montre que si l'on s'aventure à dire que c'est vraiment trop pinjuste, on s'expose systématiquement sinon aux quolibets, du moins à des gros yeux. Ce qui est vraiment troze injuste, parce qu'en fait on devrait dire trop pinjuste, en vrai.
On a trop souvent (là on ne peut pas dire troze, car souvent ne commençant pas par une voyelle, nul n'est besoin de tergiverser sur la liaison) l'impression que troze n'est employé que par des candidats petitement cérébrés d'émissions de télé-réalité (e.g. Nan, tu vois, sérieux, j'veux dire, je trouve que Jonathan il est troze énervant à vouloir être le chef de la maison, tu comprends...). En fait non, on trouve des usages de troze même chez des gens au-dessus de tout soupçon. Ainsi, dans sa chanson Strindberg 2007*, sous-titrée (à une autre banale harriet bosse, à une autre mécanique féminine vénale), Hubert-Félix Thiéfaine affirme-t-il : "T'étais juste une fille comm' les autres, jolies rondeurs belles fissures, blonde mais pas de quoi faire honneur à mes troze anciennes blessures".
Il vieillit un peu Thiéfaine, non ? Maintenant, ses textes ne sont presque pas plus compliqués à comprendre que le Tractatus Logico-philosophicus de Wittgenstein. Sauf les titres, peut-être...
* Dans son plaisant album de duos avec Paul Personne, Amicalement Blues.
S'il est un mérite que l'on peut reconnaître à Benoît XVI, c'est bien celui d'offrir au dictionnaire des mots qu'existent pas (et qu'on utilise quand même) une doublette de nouveaux synonymes, débaptême (278 occurrences sur google) et débaptisation (plus populaire, 13600 occurrences). Cela grâce à une succession de sorties médiatiques malheureuses, sur lesquelles on ne reviendra pas ici, qui encouragent un certain nombre de bons catholiques à renoncer (au moins partiellement, on ne va quand même pas jusqu'à l'apostasie,
Quand des mecs qui ont mis quatre siècles à admettre du bout des lèvres que Galilée n'avait peut-être pas totalement tort en disant que la Terre tournait autour du soleil s'amusent à se prendre pour des scientifiques, ça me fait toujours doucement rigoler. Le Vatican s'érige ces derniers temps en défenseur de l'environnement, pourquoi pas. Et pour s'attaquer aux problèmes environnementaux, la Bande à Benoît commence par dénoncer les effets dévastateurs de la pilule sur l'environnement. Pour résumer ce qu'on peut trouver quant au contenu de l'article (l'article lui-même semblant introuvable car le site de l'osservatore romano ne dispose pas d'archives exhaustives), disons que les tonnes d'hormones relâchées dans la nature à travers les urines des femmes qui prennent la pilule seraient un des principaux fléaux écologiques du monde. Ben voyons. Aucun rapport évidemment avec le fait que l'église catholique condamne a priori toute contraception, hein, c'est juste du scientifique et de l'écologique...
Petit calcul rapide en ce qui concerne les tonnes d'hormones. En moyenne, les pilules actuelles contiennent à peu près 20 µg d'oestradiol par comprimé. Une femme sous pilule prend 21 comprimés par mois 12 mois par an. En admettant qu'elle ne métabolise rien et qu'elle rejette tout en faisant pipi, elle relarguerait donc grosso modo 5 mg d'hormones par an. Considérons maintenant la population mondiale. 6 milliards d'individus, soit à peu près 3 milliards de femmes. Une approximation comme ça, à la louche, on va dire qu'il y en a 10 % qui prennent la pilule. Et à mon avis je suis très très large. Mais mettons. Soit 300 millions fois 5 mg, ça nous donnerait donc, dans le pire des cas, 1,5 t d'hormones venues des contraceptifs oraux rejetées dans la nature par l'urine des pêcheresses...
Le couperet tombe aujourd'hui. Plus de publicité (enfin le soir, pour commencer) sur France 2, 3, 4, 5 et Ô. Le contrat, éxécuté par Sarkozy, aurait été lancé par TF1, jaloux de voir ses concurrents gagner aussi de l'argent facile. Vrai ou pas, on ne le saura pas, motus et bouche cousue. La question qui se pose maintenant est la suivante : la fin de la publicité va-t-elle mener la télévision publique sur les sentiers du désastre ?
On est aussi mort de trouille du fait que le président de France Télévisions sera maintenant nommé et révocable par le Président de la République (soit, pour le moment, Nicolas Sarkozy, personne n'est parfait). Dès lors, la télévision publique perdrait son indépendance. Mais franchement, au pire, qu'est-ce qu'on risque ? Une ligne éditoriale qui perd son indépendance (qui reste à démontrer) vis-à-vis du pouvoir mais s'affranchit de la coupe des annonceurs perd-elle vraiment beaucoup en crédibilité ? Et puis, si on veut de l'information vraiment indépendante, il reste, divine providence, TF1...