Samedi 5 décembrede 14h00 à 18h00


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Assir s'inscrit dignement dans la lignée des verbes alternatifs, comme croiver ou soyer, qui n'apportent aucune nuance de sens mais permettent de s'affranchir sans vergogne des pièges de la conjugaison. Mais il s'agit d'un cas assez particulier dans cette catégorie. En effet, assir ne s'utilise qu'à la deuxième personne du singulier de l'impératif. Pour les autres positions conjugatoires dans lesquelles il est difficile de s'asseoir, on préférera le synonyme assoiver. Et c'est bien compréhensible, car quitte à inventer un verbe pour se simplifier l'élocution, pourquoi s'escagasser à en prendre un du deuxième groupe plutôt que du premier ? Cependant, la raison pour laquelle les parle-petit choisissent assir plutôt qu'assoiver demeurent obscures... On pourrait imaginer que c'est par souci esthétique. En effet, un "Assis-toi" sonne tout de même plus joliment qu'un "Assoive-toi" (uniquement par comparaison, on est bien d'accord, hein...). Mais peut-on vraiment raisonnablement imaginer que les ceux-qui-croivent-qu'ils-soyent iraient s'embarrasser de soucis esthétiques lorsqu'ils logorrhent ? Foutre non ! Le mystère demeure donc intact.
Bien sûr, on peut toujours aboyer avec les chiens: dire que Thierry Henry est un tricheur, avouer que la France ne mérite pas sa qualification. Mais on peut aussi parler de l'arbitre. Non pas pour dire que c'est lui qui a fait une erreur, mais plutôt, pour expliquer l'issue paradoxale de ce match triché: l'arbitre a toujours raison, non pas parce qu'il a raison, mais parce qu'il est l'arbitre. Par suite, il est absurde de parler des erreurs de l'arbitre ou de la tricherie de Thierry Henry.
Alors, à mort l'arbitre? S'il n'y a pas de triche du joueur, il y a une erreur d'arbitrage? Non plus. Et ce, pour la même raison que la précédente: la décision appartient au seul arbitre. Bien entendu, on suppose que l'arbitre tranche et décide conformément à des règles qu'il doit appliquer: le juge du tribunal appuie ses décisions sur la loi juridique; l'arbitre de foot, sur les règles du jeu. Néanmoins, il faut admettre et accepter que sa décision est souveraine. C'est pour cette raison, d'ailleurs, qu'on n'a pas le droit de commenter une décision de justice. L'arbitre, c'est celui qui tranche, en dernier ressort.
Aphoner pourrait signifier : "couper le son de sa radio pour couper court aux cris stridents de Céline Dion". Ce serait élégant. Mais en fait non, c'est juste un truc d'étudiants alcooliques. On n'aphone pas une chanteuse, si exaspérante soit-elle (et là, il est légitime de se demander si Céline Dion eut été si omniprésente, et donc si exaspérante, si l'iceberg n'avait pas aphoné le Titanic...), on aphone un verre.
La faucuterie est le caractère de celui qui te fait croire qu'il est d'accord avec ce que tu dis, alors qu'en fait au mieux il s'en contrefout et au plus vraisemblable il pense exactement le contraire. Le fondement de son assentiment est factice. Il repose donc sur un faux-cul (plus classieusement appelé tournure).
v. tr - angl. Google 1998.
barre de navigation du moteur de recherche Google, pour voir quel est le nombre de pages relatives à soi-même. L'apparition combinée d'Internet et de la télé-réalité a conduit peu à peu les individus à faire reposer le sentiment de leur propre existence sur la connaissance, par les autres et le plus grand nombre, de tout ce qu'ils sont et de tout ce qu'ils font. Par suite, "se gougueuliser" devient une démarche assez commune, qui débouche bien souvent sur les listes de ses amis facebook. En même temps, il est inutile de se plaindre au sujet de l'espionnage informatique, quand on donne le fer pour se faire battre.
Bien que la mort de Lévi-Strauss ait fait moins de bruit que celle de Mickael Jackson, on admettra qu'elle a quand même suscité bien plus de commentaires que celle de Filip Nikolic, chanteur des 2be3 (en même temps…). Mieux encore, elle a donné lieu à plus d’émissions spéciales que la mort de Thierry Gilardi, à laquelle, tout compte fait, seul le Grand Journal de Canal+ a cru bon de consacrer une émission entière, en repassant « les meilleurs commentaires de matchs de Thierry ». Quoiqu’il en soit, les différents hommages médiatiques auront au moins permis d’apprendre que Lévi-Strauss n’est pas seulement une marque de jeans, contrairement à ce que pensaient la plupart des gens avant la mort de l’ethnologue.
§1. Sommes-nous libres ? On aura sans doute entendu dire que Lévi-Strauss était au cœur des grands débats intellectuels du xxème siècle, comme il n’en existe plus aujourd’hui. Jean-Paul Sartre, en particulier, s’opposait au courant « structuraliste » auquel appartenait Lévi-Strauss. Pourquoi ? Parce que Sartre soutient l’idée selon laquelle chaque homme est libre et responsable de ses actes. Une affirmation qui permet de mettre en défaut tous ceux qui cherchent à excuser leurs crimes en prétendant avoir obéi aux ordres ou aux lois, comme les nazis ou les collaborateurs de la France de Vichy. D’ailleurs, chacun d’entre nous a bien le sentiment d’être libre: le cours de ma vie est le résultat des choix tout à fait personnels que je fais et qui ne regardent que moi : on choisit telle filière au lycée, on s’oriente vers tel métier ; on tombe amoureux de telle fille « parce que c’était elle, parce que c’était moi ». Et si l’on peut se plaindre d’avoir à obéir à la morale ou aux lois, on croit savoir pourquoi : c’est mal de tuer, les hommes doivent être libres et égaux, etc.
§2. Mais si l’on gratte un peu, on se rend compte que la plupart de nos opinions nous viennent d’on-ne-sait-où; on ne sait pas trop pourquoi on pense ce qu’on pense. On nous a toujours appris qu’il fallait faire ceci et ne pas faire cela, mais au fond, on ne sait pas bien pourquoi ça c’est bien et ça c’est mal. Alors, on obéit, simplement parce que c’est la règle. Ainsi, on semble moins libre qu’on ne le croyait d’abord, en découvrant que nous nous contentons de nous conformer à des conventions sociales sur lesquelles on ne s’est jamais vraiment interrogé (1). Et le sociologue finit par nous apprendre que les grandes décisions de notre vie qui nous paraissaient si intimes et si personnelles, correspondent à une norme statistique. Il y a des saisons pendant lesquelles « on » fait des enfants, d’autres pendant lesquelles « on » se marie ; et les fils d’ouvriers s’orientent vers certains métiers différents ces enfants de classe moyenne. Même le suicide qui pourrait apparaître comme l’acte le plus inexplicable, semble pouvoir s’expliquer par des causes sociales (2).

§3. Ainsi, les sciences humaines du xxème siècle tendent à montrer qu’on est le produit d’une société . C’est d’abord ce que signifie la « structure » du structuralisme : nous ne sommes pas des individus, des "atomes" indépendants les uns des autres, dont le comportement de chacun pourrait s’expliquer par lui-même. Nous sommes chacun les éléments d’un système social, d’une structure qui définissent nos pensées et nos actes. En fait, nous nous croyons libres un peu comme si chaque rouage d’une horloge croyait se mouvoir et tourner par lui-même parce qu’il le veut (3), alors qu’il est mis en mouvement par un autre rouage, lui-même mis en mouvement par un autre, etc. Et les mouvements de tous ces rouages s’expliquent à partir de l’ensemble auquel ils appartiennent, à savoir l’horloge. Du coup, si l’on veut comprendre pourquoi tel rouage de l’horloge est placé ici plutôt que là, et tourne dans un sens plutôt que dans un autre, il faut partir de l’ensemble du système ; autrement dit, savoir comment et pourquoi une horloge fonctionne. Il serait bien idiot celui qui se demanderait simplement : « qu’est-ce qui lui prend à c't engrenage ? Pourquoi a-t-il décidé de tourner ? »
§5. Quant au « structuralisme », c’est la méthode utilisée et revendiquée par Lévi-Strauss pour étudier ces sociétés afin d’éviter les erreurs ou les échecs de ses prédécesseurs comme Boas ou Malinowski. Pour faire court, deux obstacles se présentent à l’ethnologue : d’abord, le risque d’expliquer l’esprit et les coutumes d’une société différente de la sienne, à partir de la culture de sa propre société. En bref, l'ehnologue a tendance à transposer les valeurs de sa propre culture pour en comprendre une autre, si bien qu’il n’y comprend rien et fausse tout (Malinowski). Ensuite, quand bien même on voudrait éviter ces préjugés, il paraît impossible de comprendre une société qui n’est pas la sienne, dans la mesure où cela demande de connaître tous les éléments qui la composent (religion, mœurs, lois, etc.), d’en dégager le pourquoi, la raison d’être, ce qui suppose de retracer l’histoire de cette société. Tache infinie et d’autant plus dure quand il s’agit d’une société sans écrit (Boas). Quelle est donc la solution du « géant » Lévi-Strauss ?
§6. Pour le comprendre, il faut remonter aux influences que l’ethnologue avoue lui-même avoir subies,
à commencer par celle de la psychanalyse de Freud. En effet, elle nous montre que certains de nos actes ou de nos pensées s’expliquent par notre Inconscient, que chacun peut apercevoir dans ses rêves. Parfois, nos rêves nous paraissent dénués de sens : « pourquoi ai-je donc rêvé que je faisais l’amour avec Nicolas Sarkozy ? » N’importe quoi ! Ou encore, pourquoi ai-je oublié mes clés chez cette jeune femme ? Freud nous dit que tout cela n’est pas dénué de sens, mais manifeste des pensées ou des désirs inconscients, c’est-à-dire qu’on ignore soi-même. Ainsi, Lévi-Strauss définit l’ethnologie de la même manière : elle a pour but de retrouver les raisons inconscientes qui expliquent les différents éléments d'une culture. Mais ces raisons ne sont pas à trouver dans l’Inconscient de chaque individu !
§7. Pour Lévi-Strauss, les raisons inconscientes qui expliquent les croyances et pratiques des différentes sociétés se présentent sous la forme de structures, que l'ethnologue se propose de découvrir et de révéler. Cette idée lui a été inspirée par la linguistique contemporaine, qui est parvenue à montrer que derrière la diversité des langues, il y avait en fait des structures ou logiques du langage qui sont à peu près les mêmes. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas une infinité de manières de produire des sons et de les articuler entre eux. C’est ainsi que les problèmes de l’ethnologie semblent réglés : plutôt que de chercher à décrire et à connaître toutes les cultures humaines pour faire une impossible revue de ce que peut être une société humaine, on cherchera les structures communes inconscientes qui se retrouvent dans toutes les cultures, qu’on les disent primitives ou développées.
Conclusion ? On peut rejeter le structuralisme parce qu’il remet en cause l’idée selon laquelle l’homme est libre. Pour une science humaine, chaque individu semble être le jouet, l’élément de structures sociales qui lui échappent, tout comme le français qui parle utilise des mots qu’il n’a pas choisis. Mais, comme on l’a entendu dire à la télé, l’œuvre de Lévi-Strauss permet de remettre en cause aussi et surtout, toute pensée raciste, xénophobe et toute idée que les cultures différentes de la mienne sont inhumaines, sous-développées, etc. Si les structures sont toujours les mêmes, c’est bien qu’une seule humanité s’organise partout et toujours à travers toutes les sociétés quelle qu’elle soit. L’autre, quelles que soient ses différences, est toujours mon semblable. Cette idée, on la trouvera particulièrement bien exprimée dans le texte sans doute le plus court, le plus important et en même temps, le plus facile à lire de Lévi-Strauss : Race et Histoire. Commencez donc par lire ça, avant de vous lancer dans Tristes Tropiques ou les deux volumes de l’anthropologie structurale.
(1) On en parle un peu plus dans le Comment ai-je pu croire au Père Noël?, ch 4.
(2) Voir l'étude d'Emile Durkheim, un des pères de la sociologie, auquel Lévi-Strauss se réfère volontier, dans Le suicide, "Quadrige", PUF, 1995.
(3) Cette idée d'une illusion de la liberté est une thèse bien montrée et connue chez Spinoza, sauf qu'il parle d'une pierre, plutôt que des rouages d'une horloge. Voir notamment "Lettre LVIII" (à Schuller), in Spinoza, Oeuvres 4, GF-Flammarion, 1966.
Lorsqu'un évènement s'est produit il y a cent ans, on fête son centenaire. Lorsqu'un évènement s'est produit dix fois plus récemment, on fête ses dix ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a deux ans, on fête... ses deux ans. Lorsqu'un évènement s'est produit il y a 365 jours, on fête son premier anniversaire. Ou ses hunhans. Hier par exemple, les journalistes n'ont pas manqué de célébrer les hunhans de l'élection de Barack Obama. Ils auraient pu parler du premier anniversaire de l'évènement, mais non, ils ont bien parlé de ses hunhans. Ses un an, ça ne fonctionne pas, parce qu'après ses il faudrait que an soit au pluriel, ses un ans non plus, parce que s'il n'y en a qu'un, il n'y a aucune raison de mettre an au pluriel, son un an ça ferait bizarre, donc il s'agit bien des hunhans qu'il convient de fêter.
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V. intr. - 2 nov. 2009; contraction mal expliquée du sanskr. nirvana "extinction", et du lat. vadere "aller".