Soizic avait d’abord cru voir les arbres bouger. Mais il lui apparut de plus en plus clair qu’une silhouette à la forme vaguement humaine se détachait du reste. D’abord assez lointaine et trouble, elle avançait sans faire aucun bruit. Elle ne marchait pas vraiment, mais semblait plutôt glisser sur le sol. Soizic sentait bien qu’elle aurait pu être effrayée si elle en avait eu la force. Mais elle demeurait incapable du moindre mouvement. Elle s’abandonna donc à son sort et laissa la chose venir à elle. A mesure que l’inconnu s’approchait, ses traits se précisaient et Soizic finit par reconnaître son père. Pour la première fois, il lui souriait, si bien qu’il ressemblait à peine à celui qu’elle avait connu.
– Papa ?
Il souriait mais ne disait rien, comme s’il lui était impossible de parler ou plutôt, comme si un mur invisible l’empêchait de se faire entendre. Et puis, au lieu de rejoindre Soizic étendue sur le sol, il la contourna un peu avant de poursuivre son chemin. Elle, toujours engourdie, ne parvint pas à tourner la tête pour le suivre du regard. Elle s’est bien crue abandonnée. Là, le petit brin d’herbe qui apparaissait encore tout près d’elle se mit à croître. D’abord de manière imperceptible, puis de quelques centimètres, jusqu’à atteindre une hauteur d’homme. Sans trop savoir pourquoi, Soizic saisit la plante grimpante grâce au peu de force qui lui restait. La tige l’aida ainsi à se relever, jusqu’à ce que ses pieds quittent le sol. Elle finit par s’envoler et montait vers le ciel, accrochée à l’herbe comme à la ficelle d’un ballon.
La plante cessa de grimper au moment où Soizic arriva au niveau des nuages. A peine étonnée, elle lâcha son bâton de pèlerin vivant pour poser le pied à terre. La sensation de marcher sur un nuage lui parut familière. Le sol craquait sous ses pieds comme de la neige. Après s’être ainsi assurée de son pas, Soizic releva la tête pour regarder l’horizon et aperçut son père, le regard serein et le sourire tranquille. Elle pressa un peu le pas et crut bien se retrouver dans le fameux générique de l’émission de son enfance où un papa, une maman et leur fille aux cheveux blonds tombent du ciel dans la douceur du bonheur familial. Mais à mesure qu’elle s’approchait de son père, elle remarquait quelques changements d’expression sur son visage. Il plissait les yeux et fronçait un peu les sourcils, comme pour régler sa vue. Il commençait tout juste à distinguer les traits de Soizic. Dès qu’il la reconnut, il perdit son sourire et afficha l’expression de déception qu’on doit avoir quand on ouvre un cadeau qu’on ne désire pas.
– Ah ? C’est toi, s’étonna-t-il. Attends, laisse-moi deviner...Je parie que tu t’es suicidée.
Fin
bravo Olivier pour le bouquin !!
RépondreSupprimerJe ne savais pas que tu écrivais, j'ai hâte de te lire ;-)