"L'inutilité du militaire est un fait connu que nul n'ose plus discuter en notre siècle de dialectique progressifiante", énonçait Boris Vian il y a tout juste soixante ans, avant de proposer, catégorie par catégorie, quelques moyens de destruction des militaires. Là encore, l'intention était louable, mais la mise en application de ses préconisations était si peu aisée qu'en notre siècle de progrès dialectisant nous en sommes encore là où nous en sommes ce qui est fâcheux.
C'est pourquoi je me permettrai messieurs du gouvernement de vous suggérer une nouvelle méthode de travail qui me semble présenter un potentiel prometteur pour s'avérer définitive, méthode que j'intitulerai guerre totale inversée, intitulé qui présente lui-même l'avantage de pouvoir être aisément résumé par les journalistes par l'acronyme GTI.
S'il y a fort à parier que le degré d'ineptie des ordres concernant les mouvements de troupes ne sera que faiblement affecté par le changement de décideurs, le bénéfice majeur de la règle d'inversion réside en ceci que, alourdis par leurs décorations et leur inexpérience du terrain, les gradés des deux camps auront tôt fait de s'entretuer de manière irrémédiablement létale. Lorsque sergents et caporaux auront également fini par succomber, il ne restera plus aux simples troufions des deux équipes qu'à revêtir les habits civils qu'ils auront pris soin d'emporter dans leur paquetage. Sans porteur de bâton pour leur intimer l'ordre de cogner sur ceux d'en face, ils pourront alors librement aller cultiver leur jardin, ou encore jouer à la pétanque car il fera beau.