Le verbe bobber n'existe pas encore, d'autant plus qu'on l'utilise pour le moment assez peu. Mais il y a fort à parier que, sur ce dernier point, les choses devraient évoluer assez rapidement, du moins en Belgique.
Si les français savent à peine qui est
Sam, celui qui, depuis 2005, peut raccompagner en voiture ses amis ivres morts étant donné qu'il n'a pas bu, les belges connaissent en revanche fort bien son grand frère Bob (ou sa jumelle Bobette) qui se charge sobrement de ramener à bon port ceux qui ont un peu trop forcé sur la Jupiler (parce qu'on ne fait pas guinze avec des bières spéciales) aux soirées chapiteau. Considérant toutefois que le succès de la campagne de Bob commence à s'essouffler quelque peu, l'Institut Belge de la Sécurité Routière a décidé récemment de lui redonner un petit coup de jeune en
incitant les fêtards à bobber.
Bobber, c'est penser dès le début de la soirée à désigner celui qui tournera au jus d'orange plutôt que d'attendre le troisième ou le quatrième verre pour se demander qui est le moins saoul et ferait bien d'arrêter là.
On peut se demander pourquoi bobber plutôt que bober. Quelle est l'origine de ce superfétatoire dédoublement du B central ? La plupart des verbes courants se terminant en -ober ne prennent en effet qu'un unique B : dérober, englober, gober, lober, snober... Alors pourquoi ?
Un bobber est une moto qu'on a nettoyée d'un certain nombre de ses accessoires dans un souci d'esthétique minimaliste. Un genre de tuning inversé. C'est intéressant, mais on ne voit pas pourquoi l'IBSR aurait décidé dans son élan néologisateur de rendre hommage aux motocyclistes ascètes par ce B surnuméraire. On doit donc être tenté de penser que l'intention est d'éviter une possible confusion avec un éventuel verbe bober qui, lui ne prendrait qu'un unique et suffisant B. Point de trace pourtant dans le Robert, ni même dans le Littré, d'un tel verbe. Ce qui s'en rapproche le plus est chez celui-là le bobard et chez celui-ci la bobèche. On tient peut-être là un début d'explication, "bobèche" désignant chez Littré un niais ou un sot (ou, de nos jours, sans doute, un bolosse, mais de bolosse il n'y avait point à l'époque de Littré). Si l'on fouille chez Godefroy, un autre lexicographe contemporain de Littré, on trouve tout de même trace du fameux verbe bober. Avec un seul B. Il signifie "tromper", "se jouer de". Le chef du service "néologismes" de l'IBSR ne devait sans doute pas l'ignorer, et ne souhaitait probablement pas que l'on put traiter un Bob de bolosse, et encore moins qu'on le put suspecter de duperie. Semble-t-il. C'est pourquoi, manifestement, il décida de doubler le B de bobber. Ou alors il a trouvé que c'était plus joli.